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Honoré de Balzac

Première carrière

Le père de Balzac était un homme de souche paysanne méridionale qui a travaillé dans la fonction publique pendant 43 ans sous Louis XVI et Napoléon. La mère d’Honoré était issue d’une famille de prospères marchands de tissus parisiens. Sa sœur Laure (plus tard de Surville) était sa seule amie d’enfance, et elle est devenue sa première biographe.

Balzac a été envoyé à l’école au Collège des Oratoriens à Vendôme de 8 à 14 ans. À la chute de Napoléon, sa famille déménage de Tours à Paris, où il va à l’école pendant deux années supplémentaires, puis passe trois ans comme clerc d’avocat. Pendant cette période, il se destine déjà à une carrière littéraire, mais en tant qu’auteur de Cromwell (1819) et d’autres pièces tragiques, il échoue totalement. Il commence alors à écrire des romans remplis de spéculations mystiques et philosophiques avant de se tourner vers la production de pot-boilers – romans gothiques, humoristiques, historiques – écrits sous des pseudonymes composites. Il tente ensuite une carrière commerciale en tant qu’éditeur, imprimeur et propriétaire d’une fonderie de caractères, mais le désastre ne tarde pas à se produire. En 1828, il est sauvé de justesse de la faillite et se retrouve avec des dettes de plus de 60 000 francs. Dès lors, sa vie sera faite de dettes croissantes et d’un labeur presque incessant. Il se remet à écrire avec une maîtrise nouvelle, et son apprentissage littéraire est terminé.

Deux ouvrages de 1829 amènent Balzac au bord du succès. Les Chouans, le premier roman pour lequel il se sentait assez sûr de lui pour le faire publier sous son propre nom, est un roman historique sur les paysans bretons appelés Chouans qui prirent part à une insurrection royaliste contre la France révolutionnaire en 1799. L’autre, La Physiologie du mariage, est un essai humoristique et satirique sur le thème de l’infidélité conjugale, englobant à la fois ses causes et son remède. Les six récits de ses Scènes de la vie privée (1830) ont encore accru sa réputation. Ces longues et courtes histoires sont pour la plupart des études psychologiques de jeunes filles en conflit avec l’autorité parentale. L’attention minutieuse qu’il accorde à la description du contexte domestique dans ses œuvres anticipe les observations sociétales spectaculairement détaillées de ses études parisiennes ultérieures.

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À partir de ce moment, Balzac passe une grande partie de son temps à Paris. Il commence à fréquenter certains des salons parisiens les plus connus de l’époque et redouble d’efforts pour s’ériger en figure éblouissante de la société. Pour la plupart des gens, il semblait plein d’une vitalité exubérante, bavard, jovial et robuste, égoïste, crédule et vantard. Il adopte pour son propre usage les armoiries d’une ancienne famille noble avec laquelle il n’a aucun lien et prend la particule honorifique de. Il est avide de gloire, de fortune et d’amour, mais il est avant tout conscient de son propre génie. C’est également à cette époque qu’il commence à avoir des relations amoureuses avec des femmes à la mode ou aristocratiques, acquérant enfin cette compréhension de première main des femmes mûres qui est si évidente dans ses romans.

Entre 1828 et 1834, Balzac mène une existence tumultueuse, dépensant ses gains à l’avance comme dandy et homme de la ville. Raconteur fascinant, il était plutôt bien reçu en société. Mais l’ostentation sociale n’était qu’un délassement par rapport aux phénoménaux accès de travail – 14 à 16 heures passées à écrire à sa table dans sa robe de chambre blanche quasi-monacale, avec sa plume d’oie et ses interminables tasses de café noir. En 1832, Balzac se lie d’amitié avec Éveline Hanska, une comtesse polonaise mariée à un vieux propriétaire terrien ukrainien. Comme beaucoup d’autres femmes, elle avait écrit à Balzac pour lui exprimer son admiration pour ses écrits. Ils se sont rencontrés deux fois en Suisse en 1833 – la deuxième fois à Genève, où ils sont devenus amants – et de nouveau à Vienne en 1835. Ils convinrent de se marier à la mort de son mari, et Balzac continua donc à lui faire la cour par correspondance ; les Lettres à l’étrangère qui en résultèrent, parues à titre posthume (4 vol., 1889-1950), sont une source importante d’informations pour l’histoire tant de la vie que de l’œuvre de Balzac.

Effacer ses dettes et se mettre en position d’épouser Madame Hanska devint désormais la grande motivation de Balzac. Il était à l’apogée de sa puissance créatrice. Dans la période 1832-35, il produit plus de 20 œuvres, dont les romans Le Médecin de campagne (1833), Eugénie Grandet (1833), L’Illustre Gaudissart (1833) et Le Père Goriot (1835), l’un de ses chefs-d’œuvre. Parmi les œuvres plus courtes, citons Le Colonel Chabert (1832), Le Curé de Tours (1832), la trilogie de récits intitulée Histoire des treize (1833-35) et Gobseck (1835). Entre 1836 et 1839, il écrit Le Cabinet des antiques (1839), les deux premières parties d’un autre chef-d’œuvre, Illusions perdues (1837-43), César Birotteau (1837) et La Maison Nucingen (1838). Entre 1832 et 1837, il publie également trois séries de Contes drolatiques. Ces histoires, dont le thème est rabelaisien, sont écrites avec beaucoup de verve et d’entrain dans un ingénieux pastiche de la langue du XVIe siècle. Au cours des années 1830, il écrit également un certain nombre de romans philosophiques traitant de thèmes mystiques, pseudo-scientifiques et autres thèmes exotiques. Parmi ceux-ci figurent La Peau de chagrin (1831), Le Chef-d’œuvre inconnu (1831), Louis Lambert (1834), La Recherche de l’absolu (1834) et Séraphîta (1834-35).

Dans toutes ces œuvres variées, Balzac s’est imposé comme l’observateur et le chroniqueur suprême de la société française contemporaine. Ces romans sont inégalés pour leur dynamisme narratif, leurs vastes castes de personnages vitaux, divers et intéressants, et leur intérêt obsessionnel pour pratiquement toutes les sphères de la vie et leur examen de celles-ci : le contraste entre les manières et les coutumes provinciales et métropolitaines ; les sphères commerciales de la banque, de l’édition et de l’entreprise industrielle ; les mondes de l’art, de la littérature et de la haute culture ; la politique et les intrigues partisanes ; l’amour romantique sous tous ses aspects ; et les relations sociales complexes et les scandales parmi l’aristocratie et la haute bourgeoisie.

Aucun thème n’est plus typiquement balzacien que celui du jeune provincial ambitieux luttant pour son avancement dans le monde compétitif de Paris. Balzac admirait les individus qui étaient impitoyables, astucieux et, surtout, qui réussissaient à se frayer un chemin dans l’échelle sociale et économique à tout prix. Il était particulièrement attiré par le thème de l’individu en conflit avec la société : l’aventurier, le scélérat, le financier sans scrupules et le criminel. Ses méchants sont souvent plus vigoureux et plus intéressants que ses personnages vertueux. Il était à la fois fasciné et consterné par le système social français de son époque, dans lequel les valeurs bourgeoises d’acquisition matérielle et de gain remplaçaient progressivement ce qu’il considérait comme les valeurs morales plus stables de l’aristocratie d’antan.

Ces sujets ont fourni un matériau largement inconnu, ou inexploré, par les écrivains antérieurs de la fiction française. L’individu dans les histoires de Balzac est continuellement affecté par la pression des difficultés matérielles et des ambitions sociales, et il peut dépenser sa formidable vitalité d’une manière que Balzac considère comme socialement destructrice et autodestructrice. Liée à cette idée du pouvoir potentiellement destructeur de la volonté, de l’émotion et de la pensée passionnées, la notion particulière de Balzac d’un fluide vital concentré à l’intérieur de la personne, une réserve d’énergie qu’elle peut exploiter ou dilapider à sa guise, allongeant ou raccourcissant ainsi sa durée de vie. En effet, un trait extrêmement important des personnages de Balzac est que la plupart sont des dépensiers de cette force vitale, ce qui explique ses monomaniaques qui sont à la fois la victime et l’incarnation d’une passion dominante ; l’avarice, comme dans le personnage principal de Gobseck, un usurier jubilant de son sentiment de puissance, ou le père avare obsédé par la richesse dans Eugénie Grandet ; l’affection paternelle excessive, comme dans le père idolâtre semblable à Lear dans Le Père Goriot ; la vindicte féminine, comme en témoignent La Cousine Bette et une demi-douzaine d’autres romans ; la manie du collectionneur d’art, comme dans Le Cousin Pons ; le désir de perfection de l’artiste, comme dans Le Chef-d’œuvre inconnu ; la curiosité du scientifique, comme le chimiste fanatique de La Recherche de l’absolu, ou l’ambition démesurée et frustrée de Vautrin, le cerveau criminel aux ressources étonnantes, dans Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes. Une fois qu’une telle obsession s’est installée, Balzac la montre en train de croître irrésistiblement en puissance et d’aveugler la personne concernée à toute autre considération. La structure typique de ses romans à partir du début des années 1830 est déterminée par cette approche : il y a une longue période de préparation et d’exposition, puis la tension monte rapidement jusqu’à un point culminant inévitable, comme dans une tragédie classique.

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