Philippe Ier, duc d’Orléans
SexualitéEdit
Durant son enfance, on observe que la reine Anne s’adresse à Philippe en lui donnant des surnoms tels que « ma petite fille » et l’encourage à s’habiller de manière féminine même lorsqu’il est jeune homme – une habitude qu’il conservera toute sa vie. Un contemporain le surnommera plus tard « la femme la plus sotte qui ait jamais vécu », en référence à son effémination. Jeune homme, Philippe se déguisait et se rendait à des bals et des fêtes en tenue féminine, par exemple en bergère. Sachant que les habitudes de trahison de Gaston n’avaient pas seulement été évoquées par la Fronde, mais aussi par sa fugue secrète avec une princesse étrangère qui avait laissé les frères royaux brouillés pendant des années, son activité homosexuelle n’était pas malvenue, car elle était considérée comme réduisant toute menace potentielle qu’il aurait pu représenter pour son frère aîné. Il semble que 1658 soit l’année clé au cours de laquelle la sexualité de Philippe devient bien définie. Les ragots de la cour disent que le propre neveu du cardinal Mazarin, Philippe Jules Mancini, le duc de Nevers, a été le « premier à corrompre » Philippe dans ce qu’on appelle le « vice italien » – argot contemporain pour l’homosexualité masculine. Philippe a certainement noué cette année-là ses premiers contacts avec Philippe de Lorraine, dit le chevalier de Lorraine, l’amant masculin avec lequel il établira le lien affectif le plus étroit tout au long de sa vie.
« Aussi avide qu’un vautour, ce cadet de la branche française de la maison de Lorraine avait, à la fin des années 1650, accroché Monsieur comme une baleine harponnée. Le jeune prince l’aimait d’une passion qui inquiétait Madame Henriette et l’évêque de la cour, Cosnac , mais il était clair pour le roi que, grâce au visage séduisant et à l’esprit vif du chevalier de belle apparence, il aurait raison de son frère. »
Extrait de Madame Palatine, princesse européenne de Dirk Van der Cruysse
Même une fois marié, il aurait entretenu des liaisons amoureuses ouvertes avec des nobles allemands, sans égard pour aucune de ses deux épouses. Les favoris de Philippe, invariablement des hommes plus jeunes et beaux, dominent les commentaires contemporains et historiques sur son rôle à la cour, comme l’avaient fait les mignons d’Henri III. Philippe s’est entiché du célèbre et arrogant Armand de Gramont, comte de Guiche. Des rumeurs circulent également à la cour selon lesquelles Philippe aurait en fait une maîtresse et aurait montré un intérêt pour la duchesse de Mercœur, nièce de Mazarin. Un autre amant de Philippe à cette époque est Antoine Coiffier, le marquis d’Effiat. Ce dernier était entré dans la vie de Philippe en tant que capitaine de chasse et resta dans sa maison jusqu’à la mort de Philippe.
Parmi les amants, un homme se distingue, Philippe de Lorraine-Armagnac, chevalier de Lorraine jamais marié, qui fut décrit comme » insinuant, brutal et dénué de scrupules « . En tant que membre de la Maison de Guise, ayant rang de prince étranger, Philippe pouvait le garder près de lui lorsqu’il était à la cour et le promouvoir au sein de sa propre maison sans, dans un premier temps, susciter le scandale ou heurter les sensibilités. En janvier 1670, l’épouse de Philippe convainc le roi d’emprisonner le chevalier, d’abord près de Lyon, puis dans l’île-forteresse méditerranéenne du Château d’If. Enfin, il est banni à Rome. Cependant, en février, les protestations et les supplications du duc d’Orléans persuadent le roi de le réintégrer dans l’entourage de son frère.
Mariage avec la princesse Henriette d’AngleterreEdit
Après le mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d’Espagne le 9 juin 1660, la reine Anne a porté son attention sur le mariage de Philippe. Celui-ci avait auparavant été encouragé à faire la cour à sa cousine aînée, la duchesse de Montpensier, fille aînée de Gaston et de sa première épouse Marie de Bourbon. Connue sous le nom de Mademoiselle à cette époque, elle possédait une immense fortune privée et avait déjà rejeté des prétendants tels que Charles II d’Angleterre. Née en 1627, elle était l’unique héritière de sa mère, morte en couches. Mademoiselle refuse l’union, se plaignant que Philippe reste toujours près de sa mère comme s’il était « un enfant ». Mademoiselle reste donc célibataire. Philippe épousera une autre cousine germaine, la princesse Henriette d’Angleterre, la plus jeune enfant du roi Charles Ier d’Angleterre et de sa femme, la reine Henriette Marie, qui était la tante de Philippe et s’était réfugiée à la cour de France après la naissance de la princesse Henriette en 1644. Ils vivaient au Palais Royal et au Palais du Louvre. En 1660, après la restauration de la Maison des Stuart sur le trône d’Angleterre sous la direction de son frère Charles II, la princesse Henriette retourne en Angleterre pour rendre visite à sa sœur, la princesse d’Orange, qui attrape ensuite la variole et meurt. Le 22 novembre 1660, alors qu’elle se trouvait en Angleterre, la cour française demanda officiellement la main d’Henriette au nom de Philippe. Le couple a signé son contrat de mariage au Palais Royal le 30 mars 1661. La cérémonie a lieu le lendemain dans le même bâtiment, en présence de membres choisis de la cour. La dot promise était énorme : 840 000 livres. Connue sous le nom d’Henriette d’Angleterre en France, et de Minette pour ses intimes, elle est officiellement appelée Madame et est toujours très populaire à la cour. Les ragots de la cour diront plus tard que le roi est le père du premier enfant d’Henriette. Le flirt très ouvert d’Henriette aurait poussé un Philippe jaloux à riposter en commençant à afficher ouvertement sa sexualité à une époque peu amène.
Le flirt d’Henriette avec le roi a commencé au début de l’été 1661, alors que les jeunes mariés séjournaient au palais de Fontainebleau pour l’été. Philippe se plaint à sa mère de l’intimité dont Louis et Henriette font preuve, ce qui conduit la reine Anne à réprimander le fils et la belle-fille. Les relations sont encore plus tendues lorsque Henriette aurait séduit l’ancien amant de Philippe, le comte de Guiche.
Le couple quitte les Tuileries au début de l’année 1662 pour s’installer au Palais Royal. Plus tard, en mars de la même année, Philippe devient père lorsqu’Henriette donne naissance à leur fille Marie Louise, future épouse de Charles II d’Espagne. La déception d’Henriette face à la naissance d’une fille est grande, et elle fait même remarquer qu’elle devrait « la jeter dans la rivière ! ». Cela a fortement offensé la reine Anne, qui adorait sa première petite-fille. Pour sa part, Philippe considérera toujours Marie Louise comme son enfant préférée. La jeune fille est baptisée le 21 mai 1662. Le même jour, Philippe participe au célèbre Carrousel du Louvre, où il s’habille de manière extravagante en roi de Perse, avec le roi en roi des Romains et toutes les dames de la cour présentes.
En 1664, Henriette donne naissance à Fontainebleau à un fils qui reçoit le titre de duc de Valois. Philippe écrit à son beau-frère Charles II d’Angleterre » que votre sœur a été ce matin délivrée sans encombre d’un beau garçon. L’enfant semble être en excellente santé ». L’enfant meurt néanmoins de convulsions en 1666, après avoir été baptisé Philippe Charles d’Orléans quelques heures avant sa mort. La perte du petit duc de Valois affecta beaucoup Henrietta. Philippe, cependant, tenait à maintenir l’allocation que son fils avait reçue du roi. Ce décès ne fit qu’accroître le chagrin d’une cour encore en deuil après la mort de la reine Anne en janvier.
En 1665, le comte de Guiche est exilé de la cour, Philippe rapportant à la reine Anne qu’Henriette a eu des entretiens privés avec le fringant noble.
Philippe participe à la guerre de Dévolution en 1667 tandis qu’Henriette reste à Saint Cloud en état de grossesse. Sur le terrain, Philippe prend une part active aux tranchées de Tournai et de Douay et se distingue par sa vaillance et son sang-froid sous le feu. Mais Philippe se lasse plus tard de la bataille et s’intéresse davantage à la décoration de sa tente. Apprenant qu’Henriette est malade à la suite d’une fausse couche, il retourne à Saint Cloud, où elle se remet d’une épreuve qui a failli lui coûter la vie. Dès sa guérison, Philippe retourne sur le champ de bataille et se distingue au siège de Lille (1667).
En janvier 1670, Henriette convainc le roi d’emprisonner le chevalier de Lorraine, d’abord près de Lyon, puis dans l’île-forteresse méditerranéenne du château d’If. Il fut finalement banni à Rome après avoir offensé le roi et Henriette en se vantant qu’il pouvait obtenir le divorce de Philippe. En représailles du traitement infligé par le chevalier, Philippe se retire dans son domaine de Villers-Cotterêts, entraînant Henriette avec lui. En février, les protestations et les supplications de Philippe persuadent le roi de réintégrer le Chevalier dans l’entourage de son frère.
Le couple a son dernier enfant en août 1669, une fille qui est baptisée Anne Marie à la chapelle privée du Palais Royal le 8 avril 1670 par le premier aumônier de Philippe, l’évêque de Vabres.
Henrietta est surtout connue des historiens de la politique en France pour son rôle dans la négociation du traité secret de Douvres, un traité offensif et défensif entre l’Angleterre et la France signé à Douvres le 1er juin 1670. Ce traité exigeait que la France aide l’Angleterre à rejoindre l’Église catholique romaine et que l’Angleterre aide la France dans sa guerre de conquête contre la République néerlandaise. La troisième guerre anglo-hollandaise est une conséquence directe de ce traité. Rentrée en France à la fin du mois de juin 1670, Henriette doit supporter le dépit flagrant de Philippe pour son rôle dans l’exil du Chevalier et sa mission secrète à Douvres. Malgré des relations tendues, elle se rend à Saint Cloud le 24 juin, lorsqu’elle commence à se plaindre de douleurs au côté. Le 30 juin, alors qu’elle se détend à Saint-Cloud, elle s’effondre sur la terrasse du palais. Emmenée à l’intérieur, elle est déshabillée et commence à s’exclamer qu’elle a été empoisonnée. Elle meurt ensuite entre deux et trois heures du matin le 30 juin 1670 à l’âge de 26 ans. Une autopsie est pratiquée qui constate qu’Henriette est morte d’une péritonite causée par un ulcère perforé ; cependant, la rumeur publique prétend qu’elle a été empoisonnée par son mari et, selon Saint-Simon dans ses Mémoires, même le roi le soupçonne au début, mais l’enquête qu’il mène révèle que c’est le chevalier de Lorraine et le marquis d’Effiat qui l’ont empoisonnée.
Recherche d’une seconde épouseModifié
Henrietta fut beaucoup pleurée à la cour de France, mais peu par son mari, en raison de leur relation tendue. Louis XIV lui-même chercha une seconde épouse pour Philippe, qui était désireux d’avoir un héritier mâle pour continuer la lignée d’Orléans. L’attention se tourne à nouveau vers la duchesse de Montpensier, désormais connue sous le nom de « la Grande Mademoiselle ». Louis lui demande lui-même si elle veut occuper « la place vacante », mais elle décline poliment l’offre. Louis rejette de nombreuses autres candidatures avant de se décider pour la princesse protestante Elizabeth Charlotte du Palatinat. Connue sous le nom de Liselotte dans sa famille, elle était la fille unique de Charles Ier Louis, prince-électeur palatin, et de sa femme Charlotte de Hesse-Kassel, dont il était séparé. Elle avait été recommandée par Anna Gonzague, une confidente de Philippe et épouse de l’oncle de la mariée, le prince palatin Édouard. Elizabeth Charlotte avait grandi avec sa tante Sophia de Hanovre en raison des mauvaises relations de ses parents. Tout au long de sa vie, elle restera en contact avec l’électrice Sophia, écrivant quelque 50 000 lettres qui détaillent la vie à la cour de France. La princesse palatine était la cousine germaine d’Henriette, puisque le père de cette dernière (Charles Ier d’Angleterre et d’Écosse) était le frère de la grand-mère paternelle d’Élisabeth Charlotte, Élisabeth Stuart, électrice palatine et reine de Bohême.
Mariage avec la princesse palatine Elisabeth CharlotteEdit
Philippe épouse Elisabeth Charlotte, convertie au catholicisme romain le 16 novembre 1671. Elle n’était pas séduisante, comme l’avait été Henriette. Lorsque Philippe la vit pour la première fois, il aurait remarqué : « Comment pourrai-je jamais coucher avec elle ? ». Madame de Sévigné a noté combien la nouvelle Madame était populaire auprès de la cour. Elle devint célèbre pour sa franchise brusque, son caractère droit et son manque de vanité. Ses lettres relatent comment elle renonça volontiers à partager le lit de Philippe à sa demande après la naissance de leurs enfants et comment elle supporta sans le vouloir la présence de ses favoris masculins dans leur maison.
Le couple fut très heureux dans les premières années de leur mariage. Le Chevalier de Lorraine était en Italie, mais il est revenu au printemps 1672. Enceinte plus tard dans l’année, Élisabeth Charlotte donne naissance à un fils en juin 1673 qui est nommé Alexandre Louis et reçoit le titre de duc de Valois. Alexandre Louis meurt cependant en 1676. Un deuxième fils, Philippe, suit en 1674, puis une fille, Élisabeth Charlotte, en 1676, après quoi les deux époux décident d’un commun accord de dormir dans des lits séparés. Élisabeth Charlotte est louée comme étant une mère naturelle. Le deuxième fils de Philippe avec Élisabeth Charlotte, connu sous le nom de duc de Chartres jusqu’à ce qu’il hérite du duché d’Orléans en 1701, fut plus tard régent de France pendant la minorité de Louis XV. Elisabeth Charlotte a joué le rôle de mère pour les enfants de Philippe par Henriette et a entretenu une correspondance avec eux jusqu’à leurs derniers jours.