Narcissisme
EpidémiologieModifier
Dans la population générale, la prévalence sur la vie entière est estimée à 1%, et dans les populations cliniques, elle se situe entre 2% et 16%. Entre 50 % et 75 % des personnes diagnostiquées sont des hommes.
Pathophysiologie cliniqueEdit
Pour beaucoup, il est déroutant de constater que le narcissique fait souvent preuve d’une estime de soi apparemment formidable et, socialement, apparaît comme une personne très sûre d’elle, qui sait tout, et complètement déterminée. En réalité, le narcissique camoufle ainsi son vide intérieur, son manque réel d’estime de soi. Dans la petite enfance de ces personnes, on constate souvent une attitude indifférente ou dévalorisante de la part de leurs parents, ce qui leur laisse une insécurité qu’elles tentent de compenser par une auto-évaluation exagérée, irréaliste et gonflée (Baumeister, 1996). Certains cliniciens expliquent la personnalité narcissique sur la base d’une carence affective précoce produite par une mère ou un père émotionnellement froid ou indifférent ou secrètement agressif envers leur enfant, (Piñuel, 2007). La conséquence est que les narcissiques ont besoin de se regarder continuellement dans le miroir des autres pour savoir qui ils sont et, lorsqu’ils découvrent une mauvaise image d’eux-mêmes, ils éprouvent le besoin de la cacher et de la dissimuler. Ils développent alors en compensation une image artificiellement surévaluée jusqu’à la pathologie. Les personnes intelligentes et en bonne santé qui sont conscientes de la supercherie, ou qui sont simplement plus précieuses ou plus gracieuses qu’elles, deviennent alors pour le narcissique une menace pour cette image artificielle avec laquelle il entretient son estime de soi, de sorte que son comportement à leur égard est manipulateur et, lorsque la manipulation n’est pas efficace, persécuteur. On l’attribue également à une enfance marquée par des flatteries excessives de la part des parents qui vident leur frustration dans les éventuels talents de l’enfant, de sorte qu’il grandit en se croyant supérieur aux autres. Actuellement, elle est associée à des facteurs génétiques.
Les sujets narcissiques ont une estime de soi très vulnérable, étant donc très sensibles à l' »outrage » de la critique ou de la frustration ; par rapport à cela, la critique peut devenir obsessionnelle et les faire se sentir coulés et vides. Un autre symptôme est la détérioration de leurs relations sociales en raison de leur prétention et de leur besoin constant d’admiration. Un autre symptôme est l’incapacité à prendre des risques en raison de la possibilité de frustration que cela implique.
Dans la sphère sociale, les narcissiques font naufrage. Les autres ne comptent pour eux que comme une source possible de gratification, renvoyant l’image d’eux-mêmes dont le manque les tourmente et dont ils ont un besoin insatiable. Pour cette raison, ils choisissent généralement des professions qui leur procurent une notoriété sociale, une reconnaissance ou même une célébrité.
Interprétation psychanalytiqueEdit
Du point de vue freudien de la psychopathologie, la structuration d’une personnalité narcissique, implique une rétention ou une fixation du développement de la personne à des stades infantiles de gratification profonde ou dans une régression de l’individu à ces périodes, pour son incapacité à tolérer et à affronter les défis et les échecs que la maturation et la vie lui imposent (cf. André Green).
Traits de la personnalité narcissiqueEdit
La personnalité narcissique se caractérise par un modèle de vie grandiose, qui s’exprime par des fantasmes ou des modes de comportement qui rendent l’individu incapable de voir l’autre. La vision des choses du narcissique est le modèle auquel le monde doit se soumettre. Pour les narcissiques, le monde est guidé par et doit obéir à leurs propres vues, qu’ils considèrent comme irréfutables, infaillibles, auto-générées. Les choses les plus évidentes et les plus ordinaires, si elles arrivent au narcissique, doivent être considérées avec admiration et il s’enivre dans leur expression. Il y a chez le narcissique une soif inépuisable d’admiration et d’adulation. Ce besoin l’empêche de pouvoir réfléchir calmement et évaluer sereinement la réalité. Ils vivent plus préoccupés par leur performance, en termes d’effet théâtral et de reconnaissance extérieure de leurs actions, que par l’efficacité et l’utilité réelles de leurs actions. En bref, les personnes narcissiques, même si elles possèdent une intelligence aiguë, celle-ci est obscurcie par cette vision grandiose d’elles-mêmes et par leur soif de reconnaissance. Il est donc frappant de constater combien de personnes qui pourraient avoir du succès, être productives et créatives, soumettent leur vie à une médiocrité flagorneuse. Lorsque les narcissiques exercent des positions de pouvoir, ils s’entourent de personnes qui, en raison de leur propre condition, leur sont inférieures, et d’autres qui ne les courtisent que pour leurs propres intérêts mesquins. Ceux-ci, drogués par leur discours auto-dirigé, ne sont pas capables de réfléchir et d’écouter ce que le monde extérieur leur crie.
D’autre part, la personnalité narcissique est, en soi, est une forme de survie. Nous avons vu dans le mythe comment Narcisse est le produit d’un acte terrible. La personnalité narcissique naît d’une violence, d’un terrible traumatisme, d’une blessure infligée à l’individu dans les premiers stades de son développement ou avant, lorsque la blessure est la mère et qu’elle transmet à l’enfant son ressentiment, sa douleur, sa rage et sa peur. La personne traumatisée se réfugie dans sa propre image de grandiloquence, qui lui permet de rehausser son estime de soi malmenée et de se sentir un peu mieux dans sa peau. Sa faim insatiable de reconnaissance prend racine dans l’admiration et l’adulation de son entourage.
Le narcissique est une personne qui peut avoir beaucoup de succès, en ce qui concerne les paillettes extérieures. Il ne doute pas de la réalité de ses idées, qu’elles soient brillantes ou non. Nous voyons ainsi comment des personnes à l’intelligence médiocre et à la culture médiocre accèdent à des postes étonnamment élevés, car pour elles la réflexion n’existe pas. Même les idées les plus insipides sont exprimées avec un esprit messianique, ils tombent amoureux des idées des autres et les font leurs sans la moindre considération morale ou éthique. Ces derniers parviennent à capitaliser sur une horde de Narcissiques dépressifs qui croient, naïvement, à la vérité exprimée par le pseudo-enseignant. Ils le suivront fidèlement, même s’il a tort :
Sur le chagrin je dors seul et un, le chagrin est ma paix et le chagrin mon combat, chien qui ne me quitte ni ne se tait, toujours à son maître fidèle mais importun.
Miguel Hernández écrit, dépeignant ce genre de personnalité du narcissique dépressif, toujours fidèle, marqué par une tristesse vaincue, qui cherche, avec plus d’ardeur que de succès, quelqu’un en qui croire, quelqu’un en qui confier le remède à ses misères. Le narcissisme se nourrit de ces solitudes mélancoliques et pleines d’espoir. La symbiose s’achève avec une demi-satisfaction, avec un vide de faim et de soif, qui n’est jamais comblé.
La ressource de la mythologie nous donne l’image pour la compréhension du comportement et le mythe de Narcisse est concluant dans la terrible phrase de l’oracle : » L’enfant aura une longue vie s’il ne s’observe jamais « . Ainsi, c’est dans la non-réflexion que ce personnage peut survivre. Cependant, Narcisse, en punition de son manque de cœur, est transformé en une plante qui donne de très belles fleurs, à l’odeur nauséabonde et dépourvue de fruits. Le mythe nous dit que chez ce type de personne, il y a, malgré leur apparence, quelque chose qui sent très mauvais.
Critères diagnostiques du trouble de la personnalité narcissique (NPD)Edit
Le DSM-IV divise les troubles de la personnalité en trois groupes en fonction de la similarité des symptômes. Ce groupement classe le trouble de la personnalité narcissique dans le groupe B, (troubles dramatiques, émotionnels ou erratiques), des troubles de la personnalité. Ces troubles de la personnalité ont en commun un sens excessif de l’importance de soi. Ainsi, le trouble de la personnalité borderline, le trouble de la personnalité histrionique et le trouble de la personnalité antisociale sont également inclus dans ce groupe.
Toutefois, la CIM-10 (Classification internationale des troubles mentaux et comportementaux, publiée par l’OMS à Genève, en 1992) considère le trouble de la personnalité narcissique (TPN) comme « un trouble de la personnalité qui ne correspond à aucune sous-section spécifique », et le relègue dans la catégorie dite des « autres troubles spécifiques de la personnalité », qui comprend également les troubles de la personnalité excentriques, « agités », immatures, passifs-agressifs et psychonévrotiques.
Le TNP se caractérise par un schéma envahissant de grandiosité (dans les fantasmes ou le comportement), un besoin d’admiration et un manque d’empathie, avec un début au début de l’âge adulte et présent dans une variété de contextes, indiqué par cinq (ou plus) des éléments suivants :
- Il a un sens grandiose de sa propre importance
- Il est absorbé par des fantasmes de succès, de pouvoir, de brillance, de beauté ou d’amour idéal illimités
- Il se considère comme spécial et unique : il ne peut être compris que par, et ne devrait être associé qu’à d’autres personnes spéciales ou à des personnes ayant un statut personnel ou institutionnel élevé.
- Requiert une admiration excessive (c’est un symptôme dénotant une faible estime de soi et un grand souci de bien faire son travail et de la façon dont il est perçu par les autres).
- A un sens exagéré et inéquitable de son propre droit. Il pense qu’on lui doit tout. A un sentiment de « statut » avec des attentes déraisonnables de traitement particulièrement favorable ou d’acceptation automatique de ses souhaits.
- Dans ses relations interpersonnelles, il est exploiteur. Il profite des autres pour arriver à ses propres fins (il s’attend à ce qu’on lui donne tout ce qu’il veut, peu importe ce que cela signifie pour les autres, et peut supposer que les autres sont totalement intéressés par son bien-être).
- Il manque d’empathie et est réticent à reconnaître ou à identifier les besoins et les sentiments des autres.
- Est fréquemment envieux des autres ou croit que les autres sont envieux d’eux (peut dévaloriser les personnes qui ont reçu des félicitations, pensant qu’elles sont plus méritantes).
- Dispose d’attitudes et de comportements arrogants et hautains ou dominateurs.
Wyatt et Hare, état 1997 :
Cliniquement parlant, toute personne socialement dysfonctionnelle qui se sent autorisée à utiliser son pouvoir pour contrôler les autres par lesquels elle se sent menacée, ou qui vit un fantasme prétentieux, plutôt que dans la réalité, et qui se voit constamment comme supérieure à ses pairs et aspire à être reconnue comme telle, répond aux critères de ce qu’on appelle le trouble de la personnalité narcissique.
Pour sa part, Roy Baumeister (1996), dans son étude sur la violence psychologique, a établi qu’à l’origine de la plupart des agressions psychologiques se trouvent, systématiquement, des individus qui présentent des traits de personnalité narcissique.
Théories du trouble de la personnalité narcissique et de la honteEdit
Il a été suggéré que le trouble de la personnalité narcissique (TPN) pouvait être lié aux mécanismes de défense d’une personne face à la honte.
Gabbard suggère que le TPN peut présenter deux sous-types. Il a noté le type « oblivious », (oublieux) avec un comportement caractérisé par la grandiosité, l’arrogance et l’immuabilité face aux critiques des autres ainsi qu’aux sentiments des autres. Il a également distingué un sous-type « hypervigilant », c’est-à-dire vulnérable, hypersensible et embarrassé. Il a suggéré que les sujets du type par inadvertance présentent un ego grand, puissant et grandiose qui attend d’être admiré, envié et apprécié, ce qui est en antithèse avec l’ego affaibli et intériorisé qui se cache dans un état général de honte, dont le sujet veut se défendre. Cependant, dans le sous-type hypervigilant, le sujet, au lieu de se défendre contre le sentiment de dévalorisation, en est obsédé, neutralisant ce sentiment en voyant les autres comme des abuseurs injustes.
Jeffrey Young, qui a inventé le terme de thérapie par les schémas (encadré dans la thérapie comportementale émotionnelle rationnelle), une technique développée à l’origine par Aaron T. Beck (1979), fait également le lien entre la honte et la NPT. Il considère le schéma dit défectueux comme un schéma central dans la NPT, proche des schémas de privation émotionnelle et de droit, (Entitlement). Le schéma défectueux est compensé par trois modes de schéma (stratégies d’émulation) :
- Surrender : Il choisit des compagnons critiques ou significatifs. Cela le place dans une position d’infériorité.
- Evitement : Évite de partager des pensées et des sentiments » honteux » avec des compagnons ou des personnes significatives par peur du rejet.
- Surcompensation : se comporte de manière critique ou supérieure envers les autres. Tente de surmonter cela par le perfectionnisme.
Il convient de noter qu’un individu présentant ce schéma peut ne pas employer les trois schémas.